Du vent dans les pantoufles
A bicyclette (6) – Lago Escondido/Ushuaïa
28 Jan 2018

A bicyclette (6) – Lago Escondido/Ushuaïa

Post by Emile

J’ai été réveillé par un bruit de pas sur le bois. Et puis des voix. Il était déjà 11 heures, de nouveaux occupants peut-être, partis tôt de Tolhuin, prêts à profiter de la douceur du lac. J’enfilai de quoi être présentable et me rapprochai de la porte de l’intérieur à mesure qu’ils se rapprochaient de la porte de l’extérieur. Je ne sais pas bien pourquoi mais j’éprouvais une légère appréhension. Peut-être parce que j’avais très largement étalé mes affaires dans le cabane. Peut-être aussi, encore, de faire face à un esprit du cyclisme qui imposait de se lever dès potron-minet pour atteindre sa destination en début d’après-midi au plus tard. Il était 11 heures. Je me sentais toujours en faute de me lever à cette heure, besoin de récupérer ou non. L’anathème du stop jusqu’à Tolhuin me brûlait encore le front.

Peut-être parce que j’étais seul aussi, et qu’ils étaient plusieurs, et pouvaient être n’importe qui.

J’ai poussé la pierre du pied, et entrouvert la porte. Devant moi, fidèle à ce que les fenêtres en laissaient transparaître, le lac.

Les nouveaux venus étaient montés dans l’autre cabane. Il s’agissait d’un couple et d’un gamin. Ils s’en allèrent au bout de quelques minutes.

Je me préparai mon lait au chocolat et allai m’asseoir au bord du lac, dérangeant un groupe de canards qui pensaient avoir trouvé un endroit tranquille, et durent pagayer sereinement vers une autre plage.

Je prenais conscience en sortant le reste du pain acheté à la boulangerie et le sachet de « dulce de leche » (qui s’apparente à du lait concentré peu sucré et caramélisé) que c’était agréable de ne pas avoir à se soucier des bestioles dans les sacoches de nourriture. En Amazonie, il fallait absolument tout emballer, plastifier, renfermer, car les fourmis étaient à l’affût du moindre morceau de nourriture exportable, sur leur dos, ou celui d’un hanneton domestiqué.

Il y avait des manières de lutter contre cette vigilance de tous les instants, mais elles étaient relativement coûteuses, nous ramenant à l’époque du Far West et des Dalton, où il fallait racheter un coffre toutes les semaines. Par chance, elles n’avaient pas encore appris à lire. L’on pouvait toujours se communiquer la combinaison sur un petit papier blanc que l’on brûlait après, plus par superstition que par sûreté.

Il faisait beau quand je suis parti. L’eau du lac, où l’instant d’avant se trouvaient les canards, était cristalline. On y voyait les arbres morts plonger d’une admirable manière. Certains ressortaient pour respirer et restaient collés à l’air. Les autres cabanes, qui avaient les vitres pétées ou le toit arraché, s’égrainaient au bord du lac. Napées de lumière elles en paraissaient presque neuves. Il n’y avait personne, le lac dissimulé tenait ses promesses.

On dirait que la journée va être ensolleillée

Aujourd’hui était mon septième jour de voyage à bicyclette.

Déjà une semaine.

J’avais pédalé tous les jours depuis une semaine, et quand j’arriverai à Ushuaïa, j’aurai parcouru près de 340 kilomètres envers et contre tous les vents. Ce n’était rien, ou pas grand-chose. Une petite semaine, une semaine mignonnette. Une semaine de rien du tout pour tous les cyclistes aguerris que je croisais.

Pourtant, je sentais déjà que je touchais par endroits à l’essence même du cyclotourisme en autonomie. A différencier de ce que peuvent faire les motards par exemple. Lorsqu’ils nous klaxonnent sur la route, en exprimant par un bouton tout le respect dont ils sont capables, nous, cyclistes, crachons un peu d’acide lactique en pensant « tricheurs de merde».

Ils s’arrêtent dans des hôtels à chaque étape. De ce fait, ils restent dépendants de ces dernières, du lieu d’où ils partent et où ils arrivent, ils suivent un tracé, souvent pré-établi, et circulent. A l’inverse, l’autonomie t’offre une liberté incomparable. Ta circulation est imprévisible, et par là, se transforme en voyage.

Cette sensation de liberté incroyable, cette bouffée de possibles qui te fourmille dans les pattes et te gonfle le torse comme si l’air que tu respirais venait de l’intérieur, je l’ai sentie chaque jour de la semaine en remontant sur mon vélo.

Chaque matin, les premiers mètres sont les plus beaux.

Ce matin-là, je suis parti l’amour au ventre. Une longue côte m’attendait, mais je n’en connaissais pas encore la couleur, il faisait beau, et j’étais sur mon vélo. J’ai pris conscience que j’aimerais ressentir cette douceur de vivre chaque matin de ma vie si c’était possible. Que les journées étaient longues et exténuantes, que je ne pensais à partir d’une certaine heure qu’à descendre du vélo et le mettre au clou, que ce n’était pas pour moi, qu’ils étaient fous.

Et puis le matin arrivait. Peu importe le confort du lieu où je m’étais arrêté. Les commodités qu’il m’offrait.

Je sentais une pesanteur en moi, celle d’être arrêté.

Et je n’avais qu’une envie. Repartir.

Le matin du septième jour, Dieu s’est reposé. J’ai trouvé ça un peu dommage, il aurait pu en profiter pour refaire le chemin.

La pluie m’a laissé tranquille les 200 premiers mètres, puis a commencé à s’abattre. J’ai eu beau me réfugier sous un arbre dégoulinant, il était déjà trempé et moi aussi. L’heure déjà tardive ne me laissait pas beaucoup de marge de manœuvre. Je suis reparti, incapable de trouver une fenêtre de répit dans l’ondée sauvage.

Petit à petit, la pente s’est mise en jambes et me brisait les miennes. Loin au-dessus de moi, j’apercevais la route qui menait au col Garibaldi que je devais rejoindre à terme. Des camions progressaient avec lenteur. 310 mètres de dénivelé en 2,8 kilomètres m’attendaient. Les rigoles de pluie rigolaient gros dans leurs barbes de boue, et ce sont tous les cailloux et toutes les flaques qui, comme pour une bagarre de collège, semblaient former cercle autour de moi et parier sur quelle partie de mon corps craquerait en premier.

Aux premières pentes délirantes je mis pied à terre pour ne plus le remettre sur les pédales de toute la montée. Mes vieilles baskets glissaient dans la boue, les pneus du vélo bloquaient contre les rochers, et les 60 kilos du vélo me tiraient vers le bas avec la conviction d’un macchabée. Je progressais pas à pas dans la pente, m’aidant des freins pour stabiliser une position précaire, sécuriser une accroche, et pousser comme un bœuf la charrue que le labour empesante.

Je retrouvais les sensations que j’avais eues au milieu de la lande face aux rafales de vent où il fallait tout à la fois tenir, soulever, et pousser ce vélo qui crevait d’envie de se laisser aller en arrière. Plusieurs fois je regardai les freins. Il devait y avoir quelque chose qui déconnait. Le vélo ne pouvait pas être aussi lourd. Cette fois-ci j’en étais sûr, l’un des freins devait toucher la jante. Mais non. Les roues tournaient aussi librement que possible.

Le vélo pouvait être aussi lourd.

Au fur et à mesure que je gagnais de la hauteur, le lac se dévoilait, et avec lui, le nuage de drache qui continuait de verser. J’aurais pu attraper la crève si je n’étais pas moi-même en plein effort, fumant. Il devait faire 5°C, et la route du col était encore loin au-dessus de moi.

J’ai mis plus d’une heure à me sortir de ce chemin. Parfois à moitié bloqué dans les pentes les plus aiguës et glissantes, arrachant le vélo de sa cale comme si je poussais un chariot d’entraînement à la mêlée.

Arrivé en haut, la pluie s’est arrêtée comme par magie. Comme si l’épreuve était finie.

En haut du paso Garibaldi

La vue était belle. Il me restait 47 kilomètres, et tout sentiment d’heureuse liberté s’était évanoui. J’étais las.

Je me rhabillais avant la descente de 7 kilomètres qui m’attendait. Les montagnes avaient beau former le sacrum boutdumondesque de la cordillère des Andes, elles n’étaient pas ridicules pour autant. Un cycliste un peu moins chargé que moi parvint en haut du col au moment où je m’apprêtais à le descendre. Je lui demandai comment il allait.

« Beaucoup de montées » s’excusa-t-il, comme s’il me proposerait bien de finir son Burger, mais qu’il avait déjà mangé tous les choux de Bruxelles qui l’accompagnaient. Si ça montait pour lui, c’était tout bon pour moi. La route était un jeu à somme nulle.

La route ne s’est pas avérée aussi descendante que prévu. Ushuaïa était au bord de la mer, mais les kilomètres passaient, et point de canal Beagle à l’horizon. Chaque virage n’offrait qu’un encart supplémentaire de montagnes et de forêts.

Le vent, comme à son habitude désormais, soufflait à mon encontre. A 20 de moyenne et 50 en rafales. Il fallait pédaler dans les descentes, comme la veille, et réduire le braquet au minimum pour monter la moindre bosse. J’avançais à la vitesse d’un escargot, dépassant à peine les 10 de moyenne, et sentais la douleur de mes cuisses irradier peu à peu jusqu’aux genoux, ce qui avait l’inconvénient de me faire passer des moments vraiment désagréables, mais l’avantage de noyer les élancements de mes genoux sous le vernis uniforme d’une douleur plus globale.

Comme les précédentes, cette journée se transformait en une interminable ode à la douleur et je me forçais à contrebalancer l’instant par la promesse d’une arrivée prochaine, toujours prochaine, ou d’une descente, n’aurait-ce été qu’une descente, car vers la mer, à un moment, il faudrait bien descendre.

Mais cette descente finale se faisait désirer. Chacun de ses fantômes couvait une montée où je m’efforçais de ne pas m’arrêter pour ne pas avoir la tentation de ne pas repartir.

Des Jeep aménagées à 6 places, où les touristes pouvaient regarder le paysage à travers de grandes vitres, me dépassaient en cinglant l’espace sans créer la moindre aspiration. Leur carrosserie était siglée du mot « Aventure » décliné en au moins trois langues.

Je ne pouvais m’empêcher de penser à quelle sorte d’aventure se référaient-ils, et si le paiement par carte American Express en faisait partie.

« L’avventura », « avanti », « en avant », l’aventurier avance, il va à la rencontre. Et quand des panneaux de signalisation préviennent que la chaussée n’est pas dotée d’une ligne centrale, ils emploient le terme de « decalzada ». La chaussée est déchausséifiée. Les collants sont les « calzas », nos chausses à nous en termes médiévaux. « Calzar » serait ainsi « chausser », et la « calzone » italienne, un chausson.

Je me demande si mon blog en italien aérerait les pizzerias.

C’est le genre de choses auxquelles je pense en pédalant. Quand mon esprit s’égare. Que je lui lâche la bride avec les voitures et les montées. Qu’il perd un peu les pédales, de vue.

Ce septième jour, je suis parti trop tard pour déjeuner. J’ai quasiment fini mon dulce de leche, mais complètement terminé mon pain. Et puis j’avais envie d’arriver.

Alors je m’enfile des barres de céréales gonflées au sorbitol et aux pépites de chocolat. Avec le froid, elles sont dures comme du nougat, et les pépites de chocolat m’apparaissent dans toute leur splendeur industrielle.

J’imagine de loin le processus nécessaire à leur fabrication, les tapis roulants, les entonnoirs et les fours, les pâtes et les coutelas. Je me retiens pour les manger une par une.

Ma mémoire a un goût particulier pour l’anecdote annotée, et mon esprit a un goût particulier pour annoter la moindre anecdote qui lui passe sous la synapse.

En croquant dans la barre de céréale, une pépite de chocolat qui avait été simplement précipitée dessus et soufflée, j’imagine, d’une sorte d’amidon de maïs (pour les détails, je pourrais faire appel à un expert), est tombée par terre.

Mon esprit vagabondait. Je me suis mis à imaginer la réaction d’une fourmi qui passerait par là et qui, cherchant parmi ses pauvres sources alimentaires classiques, tomberait sur cette mine incroyable de carbohydrates : Cette pépite de chocolat.

Elle la ramènerait à la fourmilière et serait sûrement propulsée vers les hautes sphères de la représentation syndicale, en cheville avec le pouvoir bien sûr, mais s’instituant comme une image motivante pour ses camarades. Une sorte d’ouvrière modèle, une Stakhanov aussi talentueuse que chanceuse, dont le travail, car c’est toujours une question de travail en définitive, mais aussi l’abnégation, car l’abnégation est mère, fille et cousine germaine du travail, auraient été récompensés par cette découverte opportune.

Toutes les exploratrices seraient convoquées à des Keynotes de TeamCheeringBuilding, tandis que tous les sous-cadres suivraient des sessions particulières de GroupLeading management avec Fourminov, car ce serait son nom désormais. La fourmilière fixerait des objectifs de croissance en termes de découvertes de pépites de chocolat et chercherait un optimum de second ordre entre l’effort à fournir pour trouver ces exigeantes pépites, et l’apport de nutriments qu’elles offriraient à la collectivité. Une sorte de combinaison géniale entre le capitalisme et le fonctionnement traditionnellement stalinien des fourmilières.

Et comment leur en vouloir ? Le chercheur d’or gâteux, récompensé le jour de ses 20 ans par un rocher jaunâtre mais précieux, peut-il s’avouer vaincu quand chaque jour vain, après 50 ans d’efforts infructueux, le rapproche un peu plus d’une deuxième découverte exceptionnelle ?

Condamnée par le hasard, Fourminov ne pourra qu’errer le restant de ses jours à la recherche d’une saveur comparable à celle qui conquit un jour ses antennes, et laissa d’aimables traces sur sa chitine lisse et noire.

J’ai moi-même fait une expérience comparable lorsque j’étais plus jeune. A l’époque, je gambadais comme un cabri sur les rochers blancs et acérés du littoral corse. Mes baskets étaient comme une seconde paire de pieds pour moi. Ou plutôt une seconde peau, pour éviter la contrainte de membres surnuméraires. Mes articulations étaient à leur apogée. En deux mots plutôt qu’en 84, j’étais jeune et fougueux.

Je regardais la mer en mettant ma main à plat sur mon front, comme le font les capitaines de navire ou les Rockstars, qui ont oublié leurs lunettes de soleil, avant de sombrer, les uns dans l’alcool, les autres dans plus d’alcool.

J’ai remarqué, car à l’époque ma vue était également perçante, des fourmis qui s’agitaient autour d’un puits minuscule d’où s’écoulait un liquide brun. On aurait dit, au choix, soit de la merde liquide, soit du caramel. J’ai opté pour la seconde option, y ai trempé mon doigt, et l’ai mis dans ma bouche, car quand on est jeune on fait beaucoup ça aussi.

L’avenir m’aura donné raison, et si ça n’avait pas été le cas je ne serais probablement pas en train de le raconter.

Il s’agissait d’une substance sucrée, une sorte de nectar de fourmis, une production que je ne leur connaissais pas du fait de leur déficit patent en ailes et en rayures.

Quoiqu’il en soit, je ne suis jamais parvenu à retrouver un tel nectar, et comprends ô combien par certains soirs d’hiver, la mélancolie inique qui surprend Fourminov et tout découvreur à qui la découverte se dérobe comme l’herbe sous le pied du porte-cape d’Attila.

Des tourbières

Et puis à un moment, j’ai dépassé le kilomètre 42.

Comme tous les jours depuis une semaine, lorsque je dépasse le kilomètre 42, je me dis que c’est comme si j’arrivais à Châteauroux. Quand il me reste une trentaine de kilomètres à parcourir, je me persuade qu’il s’agit en réalité, simplement, d’un aller-retour à Buzançais. Lorsqu’il m’en reste 15, c’est soit pour un aller simple à Buzançais, soit pour un aller-retour Chatillon-Clion. Et lorsqu’on passe au dessous de 5, je m’imagine aller Rue des ponts chez ma mamie et revenir.

La géographie de mon enfance, celle avec laquelle j’ai construit mon échelle des distances, comme lorsque l’on apprend le temps qu’une heure recouvre à l’horloge des fours pleins de gâteaux au yaourt, tente de s’introduire dans mon quotidien. Mais le vent et le relief la déboutent sans cesse. Ces villes, ces routes, ces dénivelés et ces paysages, cette texture de bitume que j’imagine à l’autre bout de la Terre, dénués de toute réelle puissance de comparaison, fonctionnent comme des drapeaux artificiels. Je les plante au petit bonheur de ce territoire inconnu selon une signification qui n’a de sens que pour moi. Ils flottent bien au vent, mais personne ne les voit.

Un peu avant le kilomètre 3053 de la route 3, j’arrive enfin à Ushuaïa. Deux autostoppeurs qui attendent devant les panneaux à l’entrée de la ville, devant lesquels tout le monde se prend en photo, acceptent de me prendre en photo. On est à contre-jour, la photo est ratée, mais je ne leur en tient pas rigueur car l’arrivée n’est pas mieux.

Au bout du monde sous-exposé

Je suis au bout de mes forces, mais je suis arrivé à Ushuaïa.

Ushuaïa. Mon imagination pétillait à seulement rouler ce nom en bouche, et voilà que j’y suis, après une petite semaine et quelques kilomètres. J’ai mal au corps, certes, mais c’est presque trop tôt.

Immérité. Je suis déçu du peu d’émotion que cela suscite en moi. Je suis à Ushuaïa. Ushuaïa comme ils le vendent, la ville la plus australe au monde, qui dispose de l’aéroport le plus austral au monde, des pistes de ski les plus australes du monde, et je suppose, des fossés pleins de merde les plus australs du monde.

Une ville qui dégueule du marketing et nous accueille par son odeur.

Je suis placide car face à moi, derrière les deux panneaux, la route continue et traverse les nuages de poussière de camions roulant à vive allure au milieu d’une zone industrielle.

La pollution la plus australe au monde est bien présente. Les dépôts, les conteneurs, les showroom de bagnoles font concurrence à d’autres entrepôts, à des ateliers de mécanique et à la vue imprenable sur le port et le béton. Ici et là des camions chargent et déchargent ce que les bateaux n’ont pas pris. Pour quelques écus de différence, ils traverseront le pays par la route.

Les montagnes autour sont belles, mais à leur pied, ça fume, ça éclabousse et ça pue. Les égouts sont à ciel ouvert dans cette partie de la ville, et une eau grise que je n’avais pas croisée depuis la gare de Buenos Aires se précipite vers mes narines. Les derniers kilomètres sont décevants et dangereux. La route à double sens est étroite pour le nombre de véhicules qui y circule et, traversant pied à terre un moment où la route s’était libérée, je manque de me faire écraser par un chauffard qui déboule. On reste alors paralysé par la peur face à la vitesse du pare-choc. Le poids du vélo aidant à l’inertie, je reculai d’un pas et lui, freinant, passa moins vite que très vite mais vite quand même.

A flanc de colline, la ville serpente d’une rue à l’autre, de butte en butte. Des paquebots de croisière sont parqués dans le port et les hostels nous font bénéficier d’un surcoût de 50 % sur les prix mondiaux en raison de cette charmante attention touristique.

Je m’arrête à l’hostel Mochilero qui offre une nuit gratuite aux cyclistes pour deux nuits achetées. A près de 20€ la nuit (une fortune pour ma semaine à moins de 15€ – peut-on voyager moins cher et plus autonome qu’en vélo ? Pour avoir une réponse détaillée, envoyez vos dons à l’IBAN en pièce jointe), ils peuvent se le permettre. Les matelas sont enrobés d’une couverture plastique effroyablement désagréable qui renverse le sens habituel des préférences entre le lit et la tente.

Mon dégoût des villes carbure à plein régime.

Mais je suis arrivé à Ushuaïa, au bout du monde.

J’ai fait mes 50 kilomètres dans la douleur.

A peine arrêté, la boule de liberté dans mon estomac me pèse et me tance de m’envoler à nouveau. De repartir, de retrouver la nature.

Je vais patienter quelques jours, reposer mes genoux, aller me promener peut-être, fuir la ville autant que possible.

Même s’il s’agit d’Ushuaïa. Même si je suis au bout du monde.

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